Octobre 2006, 18h45, c’est la fin d’une journée opératoire, je suis dans les vestiaires du bloc opératoire de l’hôpital Saint-Antoine pour retirer mon costume de scène et revêtir mes habits civils, quand le SAMU 75 dépose aux portes du bloc opératoire un patient et un sac Haagen Dazs… « homme, 45 ans, accident de tronçonneuse, tenez, la main est là-dedans… ».

Voici comment une soirée tranquille bascule.

Accompagné d’une collègue et amie, le Dr Catherine Hemon, je me précipite sur le sac. Une main, en bon état, une section assez nette, juste au dessus du poignet. Un accident survenu il y a moins d’une heure. « Magnifique », la main est réimplantable ! L’état d’excitation commence à devenir contagieux.

Le patient est immédiatement pris en charge par les anesthésistes. Antalgiques morphiniques, anesthésie du bras.

Pendant ce temps, je revêts de nouveau mon costume de scène, je discute avec mon amie des différents temps opératoires comme un chef d’orchestre rejoue dans sa tête sa partition.

Il faut aller vite, plus le temps passe plus la main qui n’est pas vascularisée (sans irrigation de sang) perd ses chances de retrouver son corps. On décide de faire une double équipe; Catherine s’occupera de l’avant bras et moi de la main. Je commence par bien nettoyer la main puis je recherche un par un les 25 tendons, 3 nerfs, 2 artères et quelques veines. Il faut aller vite. Scie, marteau, ciseaux, scalpels … en 1h30 les os et tous les tendons sont réparés. Il reste maintenant à lui redonner la vie.

2 heures plus tard les artères et les veines sont réparées, la main se recolore en rose, alléluia elle est vivante et bien vivante !

La tension redescend, il ne reste plus qu’à suturer les nerfs et refermer la peau. Une heure plus tard, ça y est, l’intervention est terminée.

Quatre heures trente après le début, l’état d’excitation est intact mais le stress est parti. On est dans un état d’euphorie indescriptible. Nous avons peut-être sauvé plus que la main d’un homme… vraisemblablement sa vie. La preuve en images…